Apprendre un morceau au piano : exemple de méthode
Comment apprendre un morceau ? Quelles sont les étapes utiles pour avancer avec méthode et éviter de perdre du temps ?
C’est ce dont je vais vous parler ici, en prenant comme exemple un très beau morceau de Gabriel Fauré : Romance sans Paroles, op17 n3.
Avoir une méthode de travail
Romance sans Paroles, Gabriel Fauré, op17 n3
Pour illustrer ce cours, je m’appuierai sur ce morceau que j’ai appris et enregistré dernièrement. Le voici :
Être efficace et gagner du temps
Ce morceau de Gabriel Fauré, je l’ai appris en 3 jours en partant quasiment de 0. Je le connaissais ensuite par cœur.
Mon interprétation n’est pas parfaite, et ce n’est pas pour en faire modèle que je l’ai enregistré 🙂 Mon but était simplement de me faire plaisir en pouvant le jouer du début à la fin sans trop d’hésitations, sans avoir à bosser trop de temps dessus.
C’est pour moi l’essentiel en tant que prof de piano : donner à mes élèves les moyens les plus efficaces pour connaître leur morceau pour qu’ensuite ils puissent le jouer et éventuellement, le perfectionner.
Prioriser l’apprentissage avant le perfectionnement
Ainsi ils peuvent jouer les morceaux qu’ils aiment sans avoir à leur disposition des centaines d’heures de travail, mais aussi sans perdre du temps dans des répétitions inutiles.
Le perfectionnement technique ou musical peut d’autant mieux être travaillé par la suite lorsque le morceau est bien compris. Cette étape est d’ailleurs subjective et relative aux désirs et objectifs de chacun.
Apprendre un morceau plus vite grâce à une bonne méthode
Ce morceau de Gabriel Fauré, je l’ai appris en 3 jours en partant quasiment de 0. Je le connaissais ensuite par cœur.
Lorsque j’étais encore étudiant au conservatoire, je n’aurais pas été capable de faire ça. Non pas que ce soit un exploit, loin de là 😉 Et non pas parce que je n’avais pas le niveau technique ou les connaissances appropriées. Mais tout simplement parce que je n’avais pas de méthode de travail.
Le travail sans méthode est souvent long et peu efficace
Face à un nouveau morceau, je me lançais dans le déchiffrage pour découvrir le texte note à note. Je repérais ainsi éventuellement les passages difficiles, puis répétais ce déchiffrage jusqu’à me sentir à l’aise. Ce qui pouvait être très long (et ennuyeux).
Une boîte à outils
Je voudrais partager avec vous les étapes de travail que j’ai appliquées et que vous pourrez transposer à d’autres morceaux. Voyez ça comme une boîte à outils.
Selon vos connaissances, vos préférences et les besoins de votre morceau, vous utiliserez ceux qui vous semblent les plus adéquats 🙂
1) Apprendre un morceau en découpant le texte
Une étape souvent négligée
Découper le texte permet d’avoir d’emblée une vision structurée de l’œuvre. Cela a l’air de rien, mais un bon découpage vous mâche une grande partie du travail. Je vais vous expliquer pourquoi.
Pour que le découpage soit bien fait, il va vous demander un certain travail d’analyse. Cette analyse va fixer dans votre esprit ainsi que sur la partition un tas de repères qui facilitera énormément la mémorisation et l’efficacité de votre travail.
En effet, vous aurez une vision plus claire de ce que vous travaillez, de la place de chaque bout dans l’ensemble, rien que ça, ça change tout. Voici trois bénéfices d’un bon découpage qui sont interdépendants : mémorisation, organisation dans le travail, et compréhension.
Découpage et mémorisation
Imaginez que vous deviez apprendre une série de 1000 signes (des lettres ou des chiffres ou autre) qui semble n’avoir ni queue ni tête. Cela pourrait paraître totalement indigeste.
Mais si vous repériez mettons 4 répétitions de blocs de 100 signes. Vous retireriez immédiatement 30% du travail à effectuer (300 signes en moins)… C’est énorme !
Ces répétitions, ces liens, sont plus ou moins subtils. Cela dépend de la composition étudiée et de votre aptitude / habitude à analyser et découper un texte.
Découpage et organisation
Un autre bénéfice très important et utile du découpage est l’organisation de votre travail.
Il est bien plus aisé d’arriver à bout de plein de petites tâches que d’une très grande. Cela paraît tellement basique et évident qu’on y prête pas attention. Mais c’est exactement la même chose avec une partition.
Trouver du sens dans le découpage
Attention, il ne suffit pas de découper sauvagement et arbitrairement des bouts pour que cela fonctionne 🙂 Votre esprit refusera de considérer comme des bouts à part entière ce qui n’a pas de sens pour lui.
Il faudra donc créer cee sens se fait par l’observation, l’analyse, la logique, l’harmonie, etc.
Apprendre un morceau : découpage mélodique
Exemple de découpage avec Romance sans Paroles, op17 n3, Gabriel Fauré
Pour vous donner un exemple de découpage, je vais vous montrer quelles sont les grandes parties que j’ai découpées dans cette pièce de Fauré : Romance Sans Paroles, op 17 n3.
Cliquez ici pour voir la partition avec le découpage au format pdf.
4 parties équilibrées
Remarquez que le découpage des 4 parties répond à un équilibre mathématique des mesures. Ce n’est pas une égalité parfaite, mais il y a un équilibre dans la taille de chaque partie.
Découper la mélodie
Ici, je me suis servi de la mélodie pour faire mon découpage. C’est pour ça que ma première partie ne commence pas avant la 4e mesure par exemple.
1ère et 2e partie
Vous pouvez observer des changements importants dans chaque partie. Par exemple, la 2e partie ne commence plus avec le même motif mélodique et rythmique suivant :
Cette 2e partie sonne aussi différemment à l’oreille car on a changé de tonalité (je vous en reparle plus loin).
3e partie
Le changement à la 3e partie est encore plus évident.
La mélodie est maintenant à deux voies, souvent en canon (répétée en décalée une octave plus bas). De plus, la main gauche joue les basses en octave.
4e partie
Le début de la 4e partie se présente comme un retour au motif de la 1ère partie, avec une écriture mélodique à 1 seule voie et sans octaves main gauche.
Elle évolue ensuite vers une sous-partie différente cette fois.
Sous parties : similitudes et contrastes
Grâce à ce découpage, vous pouvez aussi repérer des sous-parties (ici notées 1b, 2b, 3b et 4b).
Ce sont chaque fois des répétitions par rapports aux a, avec une évolution plus ou moins marquée. Sauf pour le 4b qui n’est pas une reprise du 4a mais. Sa découpe est claire par son contraste cette fois.
Comment découper un texte musical pour apprendre un morceau
Écoutez, observez, déchiffrez… et repérez les grandes parties, puis ensuite les sous-parties.
Pour cela vous pouvez vous fier à la mélodie et aux :
- proportions (chaque partie devrait faire à peu près la même taille)
- répétitions (reprise de motif rythmique et/ou mélodique)
- variations (ça ressemble mais c’est différent)
- changements d’écriture (une différence soudaine et marquée)
Incertitudes, erreurs de découpage
Il est bien plus néfaste de ne pas faire de découpage que de se « tromper » dans son découpage.
Comprenez bien : l’important n’est pas que votre découpage soit juste, mais qu’il reflète une compréhension logique qui est la votre et vous permette d’organiser votre pensée et votre travail musical !
Apprendre un morceau, travail mental et itinéraire
Lorsque vous faites cela, vous êtes déjà en train de travailler. Et sachant que vos mains sont dirigés par votre cerveau et non l’inverse, cela est plus que productif, je vous assure !
De plus, il est plus difficile de tracer la carte d’un itinéraire en même temps que de la parcourir ne pensez-vous pas ? Vous le ferez donc d’autant mieux à l’extérieur du clavier que mains dedans 🙂
Et ensuite ?
Ensuite vous pouvez commencer à apprendre la mélodie en travaillant par parties et sous parties. Ainsi vous pourrez choisir de consacrer plus de temps aux sous-parties qui demandent plus de travail.
Ce travail de découpe vous aidera non seulement à organiser votre travail efficacement mais aussi à mémoriser votre mélodie !
2) Apprendre un morceau : analyser l’accompagnement
Maintenant que vous avez découpé le texte, vous avez vos phrases mélodiques, mais qu’en est-il de la main gauche ?
Ici, comme dans tous les formats « chanson », et la grande majorité du répertoire, la main gauche a un rôle d’accompagnatrice harmonique vis à vis de la main droite qui chante.
A mon sens, il y a deux manières d’apprendre votre main gauche, qui sont souvent combinés inconsciemment.
L’instinct ou l’oreille
La première est l’instinct. Ce que j’exclue de ma pédagogie car par définition il n’y a pas grand chose à en dire ! Mais si vous avez l’oreille suffisante pour apprendre facilement toute votre main gauche sans hésitations. Alors bravo 🙂
Liens logiques et repères
La deuxième manière est de repérer des liens logiques pour créer du sens et des repères. Je vous donne un exemple avec les 4 premières mesures main gauche.
En orange, remarquez que ce sont toujours les mêmes notes dans chaque mesure. Qui plus est, il s’agit d’une octave (mi bémol).
En bleu, c’est au contraire chaque fois une note différente par laquelle vous commencez votre mesure. Il s’agit de la basse, la note la plus grave qui donnera le socle à votre harmonie.
Vous pouvez ainsi déjà apprendre facilement l’ordre de ces 4 basses ainsi que la répétition de l’octave de mi bémol. Ces quatre mesures deviennent tout à coup plus faciles que prévues.
Et ce n’est pas tout, j’ai mieux : ce groupe de 4 mesures main gauche se répète en boucle à l’identique durant les trois premières liges ! Pendant 17 mesures pour être exacte, soit 4 boucles entières + 1 mesure.
Observations logiques et facilité
Ces observations peuvent sembler évidentes, j’aurais pourtant économisé beaucoup de temps et d’énergie grâce à elles. En effet, il m’aura suffit de quelques minutes pour apprendre par cœur sans trop de difficulté quasiment toute ma première partie main gauche.
Plus vous noterez et observerez ce qui fait sens pour vous, plus votre travail sera facilité.
Logique, improvisation et apprentissage
Comprendre n’est pas égale savoir faire
Comprendre me semble essentiel. Cela permet d’élaborer ensuite la meilleure stratégie pour savoir faire. Cela se résume en général à prendre conscience du maximum d’éléments : doigts, gestes, notes, etc.
A partir de quelques observations logiques comme celles énoncées plus haut, vous pouvez aussi mettre en place des exercices créatifs pour vous aider à améliorer votre jeu sans passer par la répétition.
C’est d’ailleurs une pédagogie que je développe dans mon guide : « Comprendre et improviser au piano grâce aux accords ! ».
Travailler la fluidité des deux mains partie 1
Malgré la compréhension de la répétition du bloc de 4 mesures main gauche, il se peut que vous ayez de la difficulté à être fluide mains ensembles.
Voilà l’exercice que je vous propose : conservez la boucle des 4 mesures main gauche. Main droite, utilisez une gamme, celle de Lab majeur (utilisée ici dans le morceau). Vous la jouez en reprenant le motif rythmique de la mélodie : croche pointée, double, puis noire.
Tandis que votre main gauche reste imperturbable, et que votre mémoire de celle-ci s’affine, vous déplacer votre main droite suivant une logique tout aussi simple à mémoriser.
De nombreux bénéfices au travail d’improvisation
Grâce à cette compréhension, vous travaillez de multiples choses en même temps :
- les repères liés à la tonalité et la gamme empruntée
- l’acquisition des concepts (boucle main gauche
- la synchronisation du mouvement des deux mains
- l’écoute du motif rythmique par dessus l’accompagnement…
En plus de ces différents bénéfices, vous êtes libre d’ouvrir ou fermer les contraintes de votre improvisation pour être plus créatif ou préciser une difficulté (en descente, en sautant une note, en cherchant ce qui sonne mieux, etc.)
Apprendre un morceau plus vite grâce à l’analyse harmonique
Revenons en à notre travail d’analyse face à l’accompagnement main gauche.
L’idée est donc d’observer et noter les répétitions et les différences pour GROUPER les notes, créer des liens qui donnent un sens à leur organisation.
Vous pouvez le faire sans connaissance particulière, juste avec votre propre sens logique et votre oreille. Mais l’harmonie est d’une aide précieuse pour ce travail là.
Prenons comme exemple cette fois les 4 premières mesures de la 2e partie.
Observation logique
Sans connaissance préalable, vous pourriez remarquer que la main gauche répète deux fois le même enchaînement par paire de mesures !
Observation harmonique
Vous pouvez également résumer l’ensemble des quatre mesures d’accompagnement à deux accords : Mib mineur, et Fa7.
Si vous observez l’accompagnement main gauche, vous observerez en effet qu’elles se composent exclusivement des notes de ces accords.
La première mesure main gauche ne comporte que trois notes : mi bémol, sol bémol et si bémol. Certes ces notes son mélangées et dispersées, mais il n’y en a pas d’autres ! Pour la seconde mesure, c’est le même principe avec cette fois l’accord de Fa7.
Répertoire d’accords
Je vous conseille cependant de ne pas trop vous disperser en théorie et de toujours chercher à appliquer sur votre piano ces concepts d’accords ou d’harmonie.
Retrouver n’importe quel accord majeur ou mineur
Pour ce faire et pour rappel, j’ai écrit un article et enregistré une vidéo pour vous montrer comment retrouver n’importe quel accord majeur ou mineur sur votre piano. C’est très logique vous verrez et pas compliqué 🙂
Cliquez ici pour voir comment retrouver n’importe quel accord au piano.
Comprendre et maîtriser la notion d’accord
Je vous rappelle aussi que j’ai créé un guide gratuit dans lequel vous trouverez une série d’exercices progressifs pour mieux comprendre les accords et apprendre à vous en servir, les repérer, jouer avec, etc.
Ce guide s’adresse plutôt aux débutants concernant cette notion. Mais il comporte aussi quelques exercices d’improvisation qui pourraient être utiles à ceux qui ont déjà une certaine connaissance des accords, mais qui ne savent pas nécessairement s’en servir au piano.
Apprendre Romance sans Paroles, op17 n3, Gabriel Fauré : exemple d’analyse
Pour terminer et pour les plus avancés dans les connaissances harmoniques, je vous propose une version annotée de la partition pour chaque accord :
Romance sans Paroles, op17 n3, analyse harmonique.
Ceci est mon analyse, elle n’est probablement pas parfaite (j’ai parfois préférer analyser l’accompagnement sans prendre en compte la mélodie). Mais c’est celle qui m’a semblé la plus efficace pour apprendre le morceau rapidement 🙂
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