Apprendre plus vite au piano

Pourquoi vouloir aller plus vite ? Je ne vais pas faire l’apologie de la productivité ou de la vitesse dans un monde qui me semble déjà assez stressant 🙂 Chacun va à son rythme, et c’est très bien comme ça. D’ailleurs, le travail dans la lenteur est très efficace au piano. Apprendre plus vite au piano ce n’est pas donc se presser ni être stressé, bien au contraire, c’est mieux organiser les étapes de notre travail pour faciliter notre apprentissage.

Apprendre plus vite au piano

En fait pour apprendre plus vite, il faut au contraire accepter de revenir en arrière. C’est précisément parce qu’on a voulu aller trop vite et sauter certaines étapes qu’on est ensuite ralenti, freiné, et même parfois bloqué.

Il existe de nombreuses méthodes de travail et techniques qui permettent de débloquer ces moments-là et de poursuivre notre évolution. La plupart des conseils que je donne dans mes articles sur ce blog ainsi qu’à mes élèves vont dans ce sens.

Mais ici, je voudrais parler d’une manière d’aborder le piano et nos morceaux qui se situe EN AMONT. Une manière de penser l’apprentissage du piano dans sa globalité qui, selon moi, permet une évolution plus fluide de nos capacités. C’est une des clés qui permet d’apprendre plus vite nos morceaux, plutôt que de rabâcher des heures et des heures dans l’espoir d’enfin maîtriser l’œuvre que l’on chérit.

Revenir en arrière pour apprendre plus vite au piano

Comme c’est difficile parfois d’accepter de revenir en arrière alors qu’on a qu’une envie : arriver au plus tôt au bout de notre morceau pour en profiter. Et c’est là selon moi l’un des plus grands pièges au piano : se jeter tête baissée dans le travail et y aller à la force de la volonté (et la quantité d’heures).

Je l’ai fait et le fais encore moi-même donc je ne vais pas vous jeter la pierre ! Et pourtant, je constate encore et encore à quel point l’autre méthode, celle dont je vais vous parler, est plus efficace. Pour moi comme pour mes élèves encore une fois.

Mais alors, pourquoi ne pas appliquer tout le temps cette fameuse méthode puisqu’elle est si magique ? Justement, elle ne l’est pas magique. Cela demande d’accepter de revenir en arrière. Mais qu’est-ce que ça veut dire concrètement revenir en arrière ? Et comment fait-on cela ?

Reconstruire le morceau

Voilà, trêve de suspense, c’est de cela dont je voudrais parler : être capable de reconstruire le morceau que l’on veut jouer. Je vais expliquer ce que je veux dire par là.

Le problème selon moi est qu’on apprend des morceaux « finis », dont la logique qui les compose n’est pas visible. On cherche alors à reproduire, imiter, reconstituer le morceau « note à note », de manière chronologique, bout par bout.

Bien sûr c’est une méthode qui peut fonctionner. Son efficacité dépendra des capacités du pianiste, de son expérience, du temps qu’il a, etc.

Pourtant la composition du morceau ne s’est sûrement pas faite de manière chronologique en une seule fois. Le compositeur a fait des essais / erreurs. Peut-être a-t-il d’abord pensé la mélodie, ou le thème, qu’il a corrigé ou modifié. Puis l’accompagnement. Cet accompagnement il l’a sûrement d’abord pensé harmoniquement, c’est-à-dire quelle couleur entendre. Puis ensuite rythmiquement, etc.

Qu’est-ce que jouer du piano ?

La question peut se poser. Jouer du piano, est-ce simplement ressortir un certain nombre de geste et de notes, dans un certain ordre et une certaine vitesse, sans comprendre grand chose à ce que l’on fait ?

La tête ou les mains ?

Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais parmi vos morceaux, il y a des passages que vous maîtrisez mieux que d’autres. Ces passages, n’avez-vous pas remarqué que votre pensée les a saisi de manière plus claire ? Vous y avez vu une logique sur le clavier qui est restée ancrée dans votre mémoire et vous rend tel ou tel geste plus facile.

A l’inverse, certains endroits où restent de l’hésitation, de l’imprécision ou simplement une gêne, si vous y portez attention, vous avez une imprécision de pensée à ce moment là : où suis-je sur mon claver exactement et où vais-je ? Que se passe-t-il très précisément ?

Je suis loin d’être le premier à dire que nos doigts sont dirigés par notre tête, et je ne parle pas d’une vision froidement pragmatique (bien qu’elle soit également valide) mais d’un constat empirique donné par certains des plus grands pianistes comme Liszt par exemple (et bien d’autres).

Pour approfondir ce sujet, je vous invite à lire mon article : La technique au piano.

Le cerveau, la pensée et les mains

Bien sûr il existe une part non négligeable de mémoire physique et de travail corporel au piano. Mais il s’agit d’expression musicale. Avant cela, apprendre un morceau, dans l’idéal, c’est comprendre sa structure et pouvoir la recréer.

C’est alors que « jouer du piano » prend tout son sens. On joue avec une structure, l’ossature de la composition, l’organisation logique des notes et des accords.

Bien sûr on peut le faire sans connaissance théorique. Je ne fais pas l’apologie du solfège ou de la théorie. Mais même chez certains autodidactes très doués, on peut observer une sérieuse organisation de la pensée musicale, peu importe la manière dont ils s’y sont pris. Les connaissances harmoniques sont juste là pour nous faire gagner un temps fou.

Apprendre à reconstruire pour apprendre plus vite au piano

En gros c’est un peu comme si vous vouliez reconstruire une maison et qu’au lieu de séparer chacune des étapes (fondations, murs, etc), vous commenciez tout de suite, sur un petit bout, par mettre à la fois les fondations, la peinture, l’électricité, etc. Vive le bordel !

Mais malheureusement, on est habitué à apprendre comme cela car peu de méthodes existent. Enfin elles existent mais elles ne sont pas très populaires car moins vendeuses que l’impression d’apprendre plus vite au piano sans chercher à comprendre mais juste en répétant.

En réalité, lorsqu’on travaille le piano, c’est notre pensée que l’on façonne. Alors autant le faire intelligemment et consciemment.

Dé-composition

Une des méthodes pour apprendre à reconstruire un morceau est celui de le décomposer. C’est-à-dire de rendre sa forme plus ou moins grossière, en enlevant en priorité les éléments moins « importants ». En gros, une sorte de synthèse.

Mais de multiples simplifications sont possibles, et c’est là que ça devient intéressant, car selon ce qu’on veut travailler (mémoriser), on pourra créer une version qui orientera notre travail précisément sur cette tâche.

C’est par exemple ce que faisait Alfred Cortot, un grand pianiste et surtout très grand pédagogue. Une grande école de piano porte aujourd’hui son nom : l’école normale de musique de Paris.

Pour chaque difficulté dans un morceau, il créait un ou des exercices comme autant d’étapes logiques qui permettent d’arriver à jouer tel ou tel passage.

Performance et mono-tâche

En effet, si vous permettez à votre cerveau de se concentrer sur une seule tâche, il sera bien plus efficace. Mais la plupart du temps, vous lui demandez à la fois de

  • lire les notes sur la partition
  • trouver leur emplacement sur le clavier
  • faire ressortir la mélodie
  • être en rythme
  • jouer les nuances
  • anticiper
  • etc

Bien sûr, au final, un bon pianiste peut faire tout ça en même temps, et même très bien. Mais c’est parce qu’il n’a pas de difficulté avec plusieurs de ces tâches en même temps ! Il a su construire étape par étape ses capacités.

Prenez un exemple simple : comment pourriez-vous améliorer tel trait technique si vous ne savez même pas avec assurance où vont vos doigts ? Vous pensez travailler votre geste alors que c’est votre pensée qui est défaillante.

Sans fluidité de penser pas de fluidité physique possible. Là aussi, je vous invite à lire mon article sur le sujet : être fluide au piano : comment faire ?

Se libérer de la mémoire des notes pour apprendre plus vite au piano

Voilà ce qu’il se passe lorsque vous avez en tête votre morceau : vous êtes libre de ne plus penser aux notes qui s’enchaînent et vous pouvez vous concentrez sur tous les autres aspects de votre jeu.

Mais alors on se confronte à sujet difficile : la mémoire.

Ne pas mémoriser c’est mal mémoriser en réalité

La mémoire est difficile lorsque vous lui demandez précisément de retenir tout d’un coup : fondations, peinture, électricité, etc. Ou autrement dit : les notes à lire, les déplacements à faire, le rythme à reproduire, etc.

Dans ce cas, la pensée est surchargée et alors qu’est-ce qu’il se passe ? On délègue à notre corps la responsabilité d’apprendre tout cela, par la répétition et l’acharnement (oui il faut bien appeler un chat un chat parfois).

Alors le corps peut enregistrer, oui, mais cela lui est difficile et long. Et de plus, il n’organisera pas cette mémoire. Car c’est une mémoire inconsciente. Il la reconstruira sans la comprendre, sans la maîtriser. Voilà pourquoi tout s’effondre ensuite si facilement, ou disparaît au bout de quelques semaines.

mémoriser par la compréhension

Dans tous les cas, vous faites appel à votre mémoire, alors autant la travailler consciemment, avec respect et sans stress !

Pour cela, rien de mieux que la compréhension de la structure et la composition de votre morceau.

Apprendre plus vite au piano grâce à la compréhension

Comprendre, c’est pouvoir désolidariser les éléments de la composition pour partir d’une base simple et savoir comment chaque nouvel élément s’ajoute pour parvenir petit à petit à la version finale de l’œuvre.

Ça paraît compliqué dit comme ça, surtout pour ceux n’ayant aucune expérience en la matière. En réalité, ça ne l’est pas tant que ça, à une condition. Celle de revenir en arrière ! Eh oui, je l’ai dit dès le début. C’est moralement que c’est le plus dur. Ensuite bien sûr, il faut un peu d’aide pour apprendre à le faire concrètement.

Construire des bases solides

Je dis revenir en arrière car vous aurez probablement du mal à appliquer cette méthode sur une étude de Chopin ou un morceau de Rachmaninov si vous ne savez pas ce qu’est un accord majeur par exemple. Eh oui.

Il reste donc deux possibilité. Soit commencer par des morceaux vraiment simples pour monter graduellement en complexité de composition en même temps que vous évoluerez dans votre capacité à reconstruire cette logique. Ou simplifier le morceau que vous souhaitez apprendre pour l’amener au niveau qui vous permet d’en saisir la logique, avant de le re-complexifier.

Personnellement, j’adore la deuxième voie car je trouve que c’est passionnant de découvrir des structures claires et compréhensibles à l’intérieur du morceau que l’on aime et être capable ensuite de le reconstruire.

Théorie et pratique

J’ai beaucoup parlé de reconstruction, de logique, etc. Mais ce travail est à faire au piano, dans la pratique.

Par exemple, lorsqu’il s’agit d’harmonie ou d’accords, il est bon de savoir son nom et quelles notes le composent, mais il est indispensable de savoir le jouer également.

La reconstruction d’un morceau se fait sur le même principe. Savoir identifier des élément « simples » SUR LE PIANO, mais aussi dans votre tête, afin de construire en parallèle dans vos mains et votre pensée chaque brique du morceau.

Cette construction brique par brique, logique, à la fois conceptuelle et pratique… C’est ce qui permettra de vous construire une mémoire solide du morceau, de l’apprendre plus vite au piano, plus en profondeur, plus longtemps, et de vous mettre plus rapidement à travailler toute sorte de choses : le rythme, la technique, etc. De manière bien plus efficace.

Pour finir, je voudrais redire que les connaissances théoriques ne sont pas indispensables. Elles sont juste TRÈS utiles. Mais le plus important est d’être capable d’isoler des éléments de compositions et de simplifier le morceau pour le reconstruire ensuite bout par bout, dans votre tête ET dans vos mains.

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6 réponses
  1. Martin
    Martin dit :

    Merci Cazimir pour ce raisonnement instructif !
    Cette « philosophie » d’aprentissage me semble en plus être applicable dans bien d’autres disciplines.
    Merci particulièrement de nous décomplexer d’avoir besoin de revenir en arrière :). Comme tu l’évoques, cela peut nous faire tellement…avancer !
    Et je suis tout à fait en phase avec ton idée de reconstruire quelque chose pour mieux se l’approprier, et le maîtriser.

    Répondre
    • Cazimir Costea
      Cazimir Costea dit :

      Salut Martin ! Merci pour ton commentaire. Oui j’ai voulu proposer une autre vision de l’apprentissage au piano, qui comme toute méthode rationnelle, peut être transposée à d’autres domaines je suis d’accord. Mais c’est une vision parmi d’autres, et je pense que les différentes approches peuvent aussi se compléter 🙂
      Merci en tout cas pour ton intérêt, à bientôt !
      Cazimir

      Répondre
  2. Monnard Patrick
    Monnard Patrick dit :

    Bonjour Cazimir.
    Voici maintenant deux jours que je parcours ton blog et c’est vraiment super intéressant de lire tes articles, ta logique et ta vision du piano.
    Pour un débutant d’un certain âge comme moi qui ne connaissait n’y solfège, n’y le piano et qui découvre tous les jours des indices supplémentaires au piano, je me demande pourquoi les formations ou professeurs n’appliquent pas cette démarche plus souvent.
    Apprendre avec logique et compréhension voila la solution.
    Un grand merci à toi

    Répondre
    • Cazimir Costea
      Cazimir Costea dit :

      Bonjour Patrick,

      Merci beaucoup pour ton retour!

      Je suis vraiment ravi de savoir que mes articles te permettent de découvrir d’autres manières de voir, comprendre et pratiquer le piano ! C’est ce qui me pousse à partager tout cela.

      Je suis d’accord avec toi, je trouve que malheureusement rares sont ceux qui proposent un enseignement musical tourné autour de la compréhension logique et psychologique (comme les effets du travail mental sur nos gestes par exemple).

      C’est ce qui m’a manqué personnellement, ainsi qu’aux élèves que je rencontre, que ce soit en réel ou en virtuel !

      Si tu le souhaites, sache que je propose aussi des mini formations en ligne dans lesquelles je mets en pratique cette méthode. Je pars d’un morceau que je découpe et décompose en étapes de travail progressives pour permettre de comprendre et intégrer pas à pas la pièce étudiée.

      Si tu veux en savoir plus, je te laisse découvrir les formations disponibles ici 🙂

      A bientôt
      Cazimir

      Répondre
      • Patrick
        Patrick dit :

        Bonjour Cazimir.
        Merci pour ta réponse.
        Oui j’ai commencé la première mini formation avec les fractionnements qui me sons très profitables.
        Concernant la deuxième, je ne sais pas si j’ai le niveau vu la vitesse d’exécution. Je me demande par rapport à mon niveau le temps qu’il va me falloir pour atteindre une vitesse moyenne.
        A voir . . .
        Merci à toi.
        Patrick

        Répondre
        • Cazimir Costea
          Cazimir Costea dit :

          Ok, super pour la première mini-formation 🙂
          Pour la deuxième, tu n’es pas obligé de la jouer au même tempo que moi.
          Elle peut être belle et tout aussi profitable en termes de déplacements et de coordination dans un tempo moindre.
          Dans tous les cas, si elle te paraît trop difficile tu peux attendre la suivante, je varierai les niveaux !
          Je pense proposer une mini-formation sur l’impro en 3e

          A bientôt
          Cazimir

          (n’hésite pas à m’écrire ou me poser des questions directement par e-mail si tu le souhaites)

          Répondre

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