Apprendre par cœur lorsqu’on joue au piano permet de retirer plein de bénéfices. Si ce travail est bien fait, il vous aidera à vous détacher de la partition bien sûr, mais aussi à mieux jouer du piano de manière générale.

Dans cet article, je vais partager avec vous le bilan de mon défi sur la mémorisation, ainsi que les méthodes et outils que j’ai utilisés pour apprendre plus efficacement par cœur. Je parlerai également des erreurs à éviter pour ne pas perdre du temps ou de la motivation ! Mais avant tout… pourquoi mémoriser au piano ?

chat qui fait travailler sa mémoire au piano
Jouer au piano de tête

Pourquoi mémoriser au piano ?

Mais au fait, ça se travaille la mémoire ?

Pourquoi s’embêter à travailler la mémoire alors qu’elle vient « naturellement », à son rythme, et qu’on a déjà d’autres chats musicaux à fouetter avec notre instrument ? (pauvre animal)

La question peut paraître légitime, c’est vrai. En réalité, la mémoire ne vient pas naturellement, la mémoire est essentiellement reconstructive.

Sur les processus d’apprentissage et sur le fonctionnement de la mémoire comme reconstruction, je vous invite à consulter l’excellent travail de Mathieu Gagnon, docteur en psychopédagogie.

« Je mémorise déjà en répétant »

Oui et non. Le fait que vous mémorisiez certaines choses sans effort est simplement dû au fait que vous n’avez pas conscience du mécanisme à l’œuvre. Mais dès que l’information est un peu plus complexe, en général là ça coince. Que fait-on alors ? On répète, en attendant que l’information « s’imprime » ? Non 🙂

La répétition seule, sans travail conscient, ne permet qu’une mémoire physique. En plus d’être superficielle et longue à installer, cette méthode est fragile. C’est à cause de cela qu’au moindre changement dans la chronologie de nos habitudes (une fausse note, un bruit, une présence…), on est perdu.

Le problème dans cette « méthode » (qui est en réalité une absence de méthode) c’est qu’elle consomme énormément de temps. Ses résultats sont souvent fragiles : dès que vous loupez une ou deux notes vous êtes perdu. Et elle engendre pas mal de démotivation !

Apprendre à mémoriser au piano

Il faut apprendre à travailler avec ce mécanisme à l’œuvre, qui peut être teinté de différentes couleurs chez chacun. C’est donc aussi un apprentissage de soi que de chercher à optimiser son propre mécanisme.

Je vais partager avec vous les méthodes que j’utilise pour être plus efficace, pour moi-même comme pour mes élèves. Mais juste avant, voyons quels bénéfices nous pouvons tirer d’une optimisation de notre mémoire au piano.

Mémoriser au piano : les bénéfices

liste non exhaustive de bénéfices d’un travail par cœur :

  • moins de doutes et d’hésitation
  • terminer enfin les morceaux qui restent inachevés
  • travailler plus efficacement la technique et donc mieux progresser
  • travailler l’interprétation
  • prendre plus de plaisir en étant libéré des notes
  • développer un bagage de repères qui nous seront rendra plus facile d’autres morceaux

investir dans notre tire-lire de temps et d'énergie pour de nombreux bénéfices grâce à la mémorisation au piano
bénéfices musicaux !

« Oui, mais je n’ai pas le temps de travailler la mémoire »

Oui, ça prend du temps de travailler le par cœur. Mais souvent moins qu’on ne l’imagine. De plus, c’est un des meilleurs investissements que vous puissiez faire au piano.

On traîne souvent un morceau à cause des hésitations de mémoire qui nous empêchent de régler les autres difficultés : rythme, fluidité, technique, musicalité… Il est par exemple totalement contre-productif de s’atteler à une difficulté technique alors qu’on est toujours en train de chercher les notes sur la partition…

En résumé, plus on accède vite à un jeu par cœur, plus notre cerveau peut se concentrer sur le développement des autres tâches musicales, comme la technique ou l’interprétation par exemple.

Investissement sur le long terme

Plus on mémorise au piano, plus on créé de connexions dans notre cerveau pour de futurs apprentissages. On n’apprend pas seulement tel morceau, mais des structures, des schémas, des sensations…

En effet, un travail par cœur efficace permet d’étoffer en même temps votre maîtrise et compréhension instrumentale pour de futurs morceaux. Ainsi, vous pourrez : maîtriser plus vite vos morceaux, améliorer votre technique, terminer enfin ces fameux morceaux restés inachevés, etc.

Bilan de mon défi 30 morceaux par cœur en 30 jours

Pour tester moi-même et optimiser ce mécanisme de mémorisation, je me suis lancé un défi. Apprendre un morceau par cœur et l’enregistrer chaque jour pendant 30 jours.

Je vais partager avec vous le bilan de ce défi. Je listerai ensuite les outils et méthodes que j’ai utilisés pour mémoriser en un court laps de temps chaque fois.

Bilan de mon défi sur la mémorisation au piano : 30 morceaux par cœur en 30 jours, spécial Miyazaki.
Mon défi : 30 morceaux par cœur en 30 jours, spécial Miyazaki

Pourquoi ce défi sur la mémoire ?

Je me suis lancé ce défi car j’avais pour mauvaise habitude de ne pas finir mes morceaux. J’ai développé une lecture à vue plutôt bonne, et pendant longtemps je n’appliquais pas réellement de méthode pour mémoriser au piano, préférant le plaisir de jouer.

Je me retrouvais souvent avec des débuts de morceaux en tête. Et quand vraiment je voulais connaître un morceau de A à Z, la répétition finissait toujours par me décourager, voire par me dégoûter du morceau ! Je passais donc à un nouveau morceau, et l’histoire recommençait…

Pendant un certain temps, pour pallier à ce manque de liberté, j’ai me suis tourné vers l’improvisation. J’ai pu y retrouver des sensation profondes d’osmose avec l’instrument, et enfin m’exprimer ! J’y ai développé des connaissances et expériences au fil du temps et aujourd’hui c’est une manière de faire de la musique que j’apprécie énormément et qui tient une place privilégiée en moi. J’ai d’ailleurs récemment enregistré un album entièrement improvisé.

Cliquez ici pour en savoir plus cet album, en libre écoute sur la plupart des plateformes de streaming.

Mais voilà, il y a quand même bon nombre de morceaux que j’adorais et que je voulais pouvoir maîtriser. Je voulais pouvoir me sentir libre de m’exprimer à travers eux. De plus l’improvisation et la composition m’ont donné des outils qui m’ont paru excellents pour mieux apprendre. J’utilise et partage d’ailleurs certains de ces outils dans mes cours et dans mon guide gratuit.

En savoir plus sur le guide « Comprendre et improviser au piano grâce aux accords ! »

Voilà pourquoi j’ai décidé de tester ma propre méthode en mettant en application mes conseils et observations chaque jour, dans un délai assez court. Ainsi je me suis lancé dans le défi 30 morceaux par cœur en 30 jours.

Si vous voulez en savoir plus sur ce défi, je vous invite à lire l’article 30 morceaux par cœur en 30 jours dans lequel je développe davantage mon parcours. Vous y trouverez un lien vers chacune des 30 vidéos enregistrées, ainsi que le recueil des studios Ghibli que j’ai utilisé.

Défi mémorisation relevé ?

Alors, comme vous avez pu le voir, j’ai réussi ce défi puisque j’ai bien enregistré 30 morceaux en 30 jours. Je les ai tous enregistré de tête, par cœur.

trophée du défi sur la mémorisation au piano : 30 morceaux par cœur en 30 jours
trophée du défi

Par contre j’ai un peu triché, j’avoue. Il y a des jours où j’ai enregistré deux voire trois morceaux ! En effet, je suis professeur de piano, et en plus de cette activité, j’ai parfois des journées bien remplies. Mais aussi par moment, beaucoup de temps. J’ai donc géré mon temps au mieux pour arriver à l’objectif.

C’était difficile, non pas tant pour la mémoire finalement, mais pour tout le reste. En réalité, pour mémoriser, je mettais entre 1h et 2h selon le morceau. Mais ce que je n’avais pas anticipé, c’est le temps que me prendrait la gestion du matériel d’enregistrement (caméra, logiciel, micro, ampli…) et l’écriture de chaque article.

Avec tout ça, ce fut un peu comme courir un marathon (aussi humble soit-il) avec une préparation sommaire. On y arrive, mais après, on est crevé ! Mais je m’en suis remis, je vous rassure 😉

Ce que j’ai appris par cette expérience

J’ai tout d’abord appris que j’en étais capable ! Car avant de commencer, je ne savais pas à quel point je serai efficace ou non du point de vue de la mémoire. Mais j’ai pu constaté que ma méthode était relativement efficace, et que moi aussi, j’étais tout à fait capable de mémoriser au piano des morceaux entiers.

J’ai aussi « appris » ou plutôt confirmé l’idée qu’avoir un objectif et s’y tenir était un des meilleurs moyens de progresser. Je parle plus en détails de cet aspect dans l’article Comprendre ce que l’on joue, pour libérer son potentiel au piano.

J’ai vu à quel point le travail sur la mémoire améliorait mon aisance lors de l’enregistrement. Comme je constatais aussi que les passages qui me donnaient plus de difficulté étaient les passages moins bien mémorisés.

Une des choses très importantes que j’ai apprises aussi, c’est à quel point le perfectionnisme pouvait nuire à la progression ! Interprétation, nuances, pédale, accents, qualité sonore de l’enregistrement… Si j’avais été perfectionniste comme à mon habitude, jamais je n’aurais réussi ce défi. Car ce n’est jamais parfait !

Me concentrer sur un seul objectif : la mémoire, et accepter de mettre d’autres critères entre parenthèses… C’est cela qui m’a permis d’aller au bout. C’est un point très intéressant je trouve, qui relie celui de l’importance des objectifs clairs et précis.

Conseils et méthodes pour travailler sa mémoire au piano

travailler sa mémoire avec méthode au piano
travailler la mémoire au piano

Voici mes observations sur les méthodes, outils et disciplines de travail qui m’ont semblé les plus efficaces pour ce travail de mémorisation.

Évidemment, ce sont des méthodes que j’utilisais déjà pour la plupart et que j’enseigne. Je n’aurais pas pu me lancer dans un tel défi sans ça. Mais je ne les pratiquais pas de manière aussi systématique. Grâce au défi, j’ai pu réellement testé en situation leur efficacité et affiner mon analyse à leur sujet.

Les 3 erreurs les plus courantes à éviter…

Tout d’abord voici trois des mauvaise habitudes les plus répandues lorsqu’il s’agit d’apprendre par cœur. Ces erreurs de méthode empêchent ou rallongent (parfois indéfiniment) le temps de mémorisation.

1. Garder la partition sous les yeux

Vérifier constamment son par cœur avec la partition est un des meilleurs moyens pour ne jamais apprendre par cœur. En réalité, on fait une sorte de déchiffrage qui n’est même pas productif car souvent sans rythme, en répétant les mêmes erreurs, etc.

2. Recommencer à chaque fois du départ

Répéter inlassablement le morceau depuis le début (ou depuis le même endroit) est le meilleur moyen pour ne finalement connaître que cet endroit. C’est aussi un moyen inconscient pour de se raccrocher à la mémoire physique inconsciente qui a besoin d’une chronologie fixe (toujours la même suite).

3. Manquer de persévérance

Souvent mémoriser par cœur demande des efforts et il y a de nombreux paliers à franchir. S’arrêter à chaque palier en estimant que c’est une preuve de notre incapacité ou manque de mémoire c’est empêcher notre mémoire de se reconstruire.

Croire que soit l’information est entrée par magie, soit elle ne l’est pas parce qu’elle ne nous vient pas immédiatement empêche énormément de progrès.

Méthodes et discipline pour mémoriser au piano

Voici maintenant quelques unes des méthodes de travail qui me semblent indispensables pour une mémorisation efficace, même lorsqu’on ne connaît pas encore le morceau !

1. Avoir un plan d’ensemble / fragmenter

Pratiquez une analyse, même sommaire, pour repérer les grandes lignes du morceaux. Découpez votre morceau comme on découperait un texte ou une poésie. Vous saurez ensuite, comme dans une présentation, si vous êtes dans votre première ou troisième partie, quelle sous-partie, etc.

Souvent cette découpe en musique répond à une logique mathématique. Vous pouvez chercher où se trouve la moitié, puis la moitié de la moitié… Il y a souvent le même nombre de mesures dans les différentes phrases qui se répondent par exemple. Servez-vous également des indications de phrasés par exemple (grands traits) pour délimiter ces phrases.

2. Démarrer depuis n’importe quel fragment

Grâce au travail précédent, vous pouvez vous entraîner à partir de n’importe quel fragment. Vous commencez progressivement à voir le morceau entier se construire dans votre tête, et pas seulement le début souvent beaucoup plus travaillé que le reste.

3. Repérer les répétitions / variations

Il y a souvent des répétitions / variations en musique. Repérez-les et comparez pour bien comprendre ce qui est différent et ce qui est identique. Souvent en ne faisant pas ce travail de manière précis et détaché du reste, on reste dans une ambiguïté , un flou.

Enlever ce flou et ces hésitations au plus tôt libère énormément de facilité et d’énergie pour avancer. On se rend souvent compte à cette étape que le morceau est en réalité moins long (et compliqué) qu’il n’en avait l’air.

4. Délimiter un bout et ne pas déborder

Cette méthode est valable pour d’autres aspects (technique, rythmique, etc). Une fois sélectionné le bout que vous voulez mémoriser, ne débordez pas sur le bout suivant. Concentrez-vous pleinement sur un seul fragment. Ensuite, passez au suivant, et appliquez la même rigueur.

En plus de gagner du temps et de l’énergie en évitant de vous disperser, et donc de vous rendre plus efficace, cela permet de mieux ancrer dans votre mémoire les étapes de votre plan d’ensemble.

5. Hiérarchiser les priorités

Si votre objectif est d’apprendre tel morceau par exemple, choisissez en priorité les tâches les plus difficiles. En ayant pris soin de les avoir découpés bien sûr. Mais évitez de travailler pour la énième fois le bout que vous connaissez à 80% plutôt que celui qui est à 10%.

Sous couvert de « méthode » chronologique ou encore de plaisir, c’est souvent pour éviter de se confronter à la difficulté et par confort pour ce qu’on maîtrise déjà 😉

L’importance de déterminer (selon vos propres critères) vos priorités est grande car notre énergie n’est pas infinie. Ni notre temps d’ailleurs. Si on ne fait pas l’effort d’y penser, on va souvent se mettre à faire les mêmes choses, et le temps va filer.

6. Mémoriser la mélodie séparément

C’est une possibilité qui peut être utile. Si la mélodie est longue, utilisez le découpage que vous avez fait, et apprenez-là par bout. Comme une poésie ou une chanson.

Répétez chacun de ces bouts séparément au piano, en ne partant pas du même endroit chaque fois. Puis collez les bouts.

7. Travailler avec sa tête

La mémoire étant reconstructive, aidez-la ! Entraînez-vous à visualiser vos notes. Que ce soit sur le piano ou sur la partition. Visualisez vos déplacement, votre main. Vous pouvez coupler cela avec les sons (que vous aurez déjà bien en tête).

De la même manière, lorsque vous jouez, anticipez ! Soyez dans l’anticipation, et pas comme devant une émission de télé ! C’est-à-dire qu’il faut maintenir une vigilance active, rester concentré sur ce qui est joué et sur ce qui arrive.

Penser en avance est un des meilleurs moyens de s’améliorer au piano à beaucoup de points de vue.

Se créer des repères logiques pour mieux mémoriser

Enfin, je vais terminer cet article en parlant de ce qui, selon moi, permet le maximum de progrès au piano et aussi pour le travail de la mémoire : les repères logiques.

C’est assez vaste comme notion, car on peut y inclure les notions d’analyse harmonique mais aussi toute forme de lien logique qu’on aura pu créé.

Exemples de repères

Par exemple, repérer un mouvement conjoint dans une basse, à chaque début de mesure. Ou bien repérer une ou deux positions principales pour notre main durant plusieurs mesures (voire tout le morceau). Ou encore, repérer une transposition de motif, c’est-à-dire une répétition décalée… Bref, il y a plein de possibilités.

Voici un exemple court parmi d’autres avec mon tuto de Nausicaa lors de mon défi 30 morceaux par cœur :

Chercher des liens

Pour y arriver, il faut déjà prendre l’habitude de chercher ces liens logiques. Pour ça il faut pouvoir aussi regarder son piano, observer les parties entre elles, comparer, etc. Et donc, ne pas se jeter à l’aveugle dans le début du morceau et se dire, je l’ai à peu près dans l’oreille, ça ira 😉

Je pense très sincèrement que les connaissance théoriques (harmoniques) ne sont pas indispensables pour trouver des liens logiques. Certains pianistes le font très intuitivement. Mais je pense qu’elles apportent une aide et un gain de temps considérable, dans la mesure où cela ne reste pas de la théorie bien sûr.

Logique, composition, improvisation, mémoire…

En tant que pianiste, c’est ce que je m’applique le plus à développer. D’abord parce que je remarque que c’est le plus efficace. Ensuite parce que j’aime la logique et j’aime donner du sens ! Et aussi, je remarque les nombreuses possibilités de création (composition ou improvisation) qui en découlent. Bref, pour plein de raisons en réalité, mais ici, pour des raisons d’optimisation de la mémoire.

Mémoriser en donnant du sens, que ce soit le votre ou un sens harmonique ou les deux, ça donnera bien plus d’assurance et de profondeur à votre jeu. Et votre mémoire ne fichera plus le camp aussi facilement !

Testez concrètement ma méthode

Si cela vous intéresse, j’ai créé plusieurs formations en ligne pour apprendre à reconstruire un morceau de mémoire grâce à la logique qui en découle.

En plus d’apprendre le dit morceau, vous pourrez suivre une démarche d’observation et de construction consciente du morceau partie par partie, et imaginer comment l’adapter à vos propres morceaux ensuite.

Choisissez dans la liste des 3 morceaux que je propose celui qui correspond le mieux à votre niveau.

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